mercredi 22 décembre 2010

La Maison Blanche présente sa politique de coopération scientifique internationale

Le 8 décembre 2010, le Dr John Holdren, conseiller scientifique du Président B. Obama [1], a présenté devant le Club des Diplomates Scientifiques de Washington [2] la politique de coopération scientifique internationale des Etats-Unis. Devant une assemblée de soixante-dix personnes de diverses nationalités [3], il a (i) justifié le recours croissant à la coopération scientifique internationale pour répondre à la multiplication des défis globaux, (ii) fait part de l'importance particulière de la coopération scientifique internationale pour l'administration Obama, (iii) insisté sur l'impulsion donnée par la Maison Blanche, (iv) décrit les vecteurs de cette coopération scientifique internationale.


Un besoin mondial de coopération scientifique internationale pour répondre à la multiplication de problématiques globales

Selon John Holdren (ci-après JH), plusieurs défis mondiaux ont émergé que nul pays ne peut résoudre seul. La coopération scientifique est aujourd'hui indispensable pour répondre aux problématiques globalisées de sécurité nationale, d'éradication de la pauvreté, de protection de l'environnement et de la santé, ou encore d'indépendance énergétique.

En matière de sécurité nationale, JH a rappelé l'importance des alliances face aux menaces militaires conventionnelles et a insisté sur la nécessité de coopération face aux armes de destruction massive. Il a également mentionné le besoin d'échanges d'informations pour contrer les menaces terroristes, tout particulièrement dans le contexte des attaques-suicides qui réduisent les capacités de dissuasion.

Le développement économique a constitué un élément clé de la présentation, comme enjeu global à part entière, mais aussi en raison de ses dommages collatéraux (migrations de réfugiés internationaux, déstabilisation régionale, exportation du terrorisme). Selon JH, la coopération en S&T peut accélérer le processus d'éradication de la pauvreté.

JH a aussi évoqué les dimensions santé et environnement : transnationalité de la pollution industrielle, caractère global des biens publics environnementaux (biodiversité, sols, forêts, glaciers), globalité du changement climatique et de la raréfaction de la couche d'ozone. JH a d'ailleurs reconnu que le refus d'un marché des échanges d'émissions de carbone constitue sûrement le plus cuisant des échecs de la politique scientifique présidentielle.

Enfin, dans le domaine énergétique, JH a rappelé que la mondialisation du marché des produits fossiles et de leur contribution à l'effet de serre nécessite une articulation des efforts technologiques.


L'importance de la coopération scientifique internationale pour l'administration Obama

Le document de Stratégie Nationale en matière de Sécurité [4] présenté tous les quatre ans dans le cadre du Goldwater-Nichols Act peut constituer un document de référence pour une analyse comparative des doctrines présidentielles. Utilisant l'occurrence comme indicateur, le Professeur John Holdren a comparé l'apparition de mots clés entre l'administration Bush d'une part (document 2006) et le Président Obama d'autre part (document de mai 2010). Le mot "science" apparaît 25 fois dans le document 2010 contre 1 fois pour celui de 2006, le terme "coopération internationale" 9 contre 3, "éducation" 32 contre 2, et le terme "partenariat" 45 contre 7. Selon JH, cela démontre à quel point la coopération scientifique est primordiale pour l'administration Obama contrairement à celle de son prédécesseur. Il a aussi rappelé, dans un message à vocation bipartisane peut-être, combien le Secrétaire à la Défense, le républicain R. Gates, a activement participé à ce langage.

L'impulsion donnée par la Maison Blanche à la coopération scientifique internationale

En premier lieu, JH a rappelé que l'OSTP (Office for Science and Technology Policy), chef d'orchestre de la politique nationale de S&T, entretient des activités internationales. Actuellement, l'OSTP relance les Comité Mixte en S&T, promeut la diplomatie scientifique et s'efforce de raccourcir les procédures de visa.

En second lieu, il a rappelé l'orientation du Discours du Caire d'Obama (4 juin 2009), très axé sur la science et la coopération internationale. Il a qualifié les recommandations des trois premiers "envoyés scientifiques" (Science Envoys), Ahmed Zewail, Bruce Alberts et Elias Zerhouni, de "peu coûteuses", car liées notamment à des applications informatiques (extension de l'accès internet à haut-débit, créations de librairies électroniques, développement de l'e-learning) ; à l'échange et au renforcement des compétences (création de centres et réseaux d'excellence). Considérées comme l'une des plus grandes réussites de l'OSTP, ces missions seront complétées par celles de 3 nouveaux envoyés : Rita Colwell, Gebisa Ejeta et Alice Gast.

Enfin, JH a annoncé des mesures de renforcement de l'engagement global américain en coopération scientifique internationale avec la création d'un comité unissant l'OSTP et le NSTC (National Science and Technology Council); la création de centres d'excellence dans les domaines de l'eau, du changement climatique et de l'énergie ; l'allocation de douze nouveaux conseillers scientifiques dans le réseau diplomatique.

La pluralité des vecteurs de cette coopération scientifique internationale

JH a affiché une vision très large de la coopération scientifique internationale promue par une grande variété de mécanismes :

- l'aide au développement : l'effort de 0,2% du PIB américain qui mériterait d'être augmenté ;

- les investissements privés : le flux d'investissement des entreprises américaines dans les PED qui surpasse largement celui de l'aide au développement (respectivement 800 et 180 milliards de dollars en 2008) ;

- le commerce international où il a insisté sur la place grandissante des PED (Pays en Développement), qui représentaient en 2008 31% des seize mille milliards de dollars de produits et services exportés ;

- les activités des Firmes Multinationales (FMN) : pour les activités industrielles de R&D, la coopération scientifique privée entre l'Europe et les Etats-Unis est bien supérieure à celle de l'ensemble des autres pays réunis. En 2006, les FMN américaines en Europe ont investit 18,6 milliards de dollars et les FMN européennes sur le sol américain 25,8 milliards de dollars (soit un effort croisé total de 44,3 milliards de dollars tandis que celui du reste du monde avec les Etats-Unis atteint à peine les 17,6 milliards de dollars).

- les relations interuniversitaires, les protocoles/conventions de coopération entre agences et laboratoires de R&D ;

- les grandes infrastructures de recherche : station spatiale internationale, ITER et le LHC du CERN.


JH a aussi rappelé l'utilité des Accords-Cadres de coopération en S&T en insistant sur les six comités mixtes auxquels participent directement des Ministres (Japon, Corée du Sud, Russie, Brésil, Chine et Inde). JH a justifié que seules des réunions d'experts suffisent pour suivre les accords avec les pays européens, étant donnée l'excellence des relations déjà existantes. Il a enfin mentionné l'importance des véhicules multilatéraux : sommets de S&T, alliances militaires, Forum du G8 et G20, entités de l'ONU et le Groupe de la Banque Mondiale.

Ainsi, cette réunion a confirmé combien la science et la technologie, et leur dimension internationale, sont cruciales aux yeux de l'administration Obama. La S&T est envisagée sous un angle très large, avec des mécanismes collaboratifs incluant les activités des multinationales ou encore l'agence pour le développement (USAID).

Deux sujets semblent au coeur des préoccupations : la sécurité nationale et la lutte contre la pauvreté, devant les problématiques de changement climatique, d'énergie, de pandémies transnationales, et d'assouplissement de l'octroi de visas scientifiques. Le glissement argumentaire vise sûrement à rallier les voix républicaines.

Certes, l'avenir financier de la R&D aux Etats-Unis reste en suspens, le budget 2011 n'ayant pas encore été voté. Mais JH est optimiste : l'investissement en STI (Science Technologie Innovation) fait plutôt l'objet d'un consensus bipartisan malgré quelques sujets sensibles tels que la recherche sur les cellules souches embryonnaires ou le changement climatique. "Démocrates comme républicains, tous ont conscience que la poursuite des efforts en S&T est cruciale pour notre sécurité, économie, santé et agriculture." Reste à savoir ce que le nouveau Congrès va choisir entre "fight or win", attitude partisane à court terme ou bipartisane dans l'intérêt de tous.

[1] Le Dr John Holdren cumule les positions de :
- Conseiller du Président pour la Science et la Technologie ;
- Directeur de l'Office for Science and Technology Policy (OSTP), organe de la Maison Blanche déterminant la politique nationale de S&T;
- Directeur exécutif du Président's Council of Advisors on Science and Technology (PCAST), comité consultatif associant acteurs gouvernementaux, académiques, et industriels ;
- Président du National Science and Technologie Council (NSTC), comité de coordination des agences fédérales de R&D.

[2] Le Club des Diplomates Scientifiques (Science Diplomats Club) réunit les représentants de 63 pays et a pour double objectifs:
- d'accueillir des personnalités de l'administration ou des agences américaines, lors de "petits déjeuners scientifiques" organisés mensuellement à l'ambassade de France,
- de favoriser les contacts entre diplomates scientifiques pour promouvoir la coopération multilatérale en science et technologie, en association avec les Etats-Unis.
Depuis octobre 2010, c'est la France qui en assure la Présidence, en la personne de la Conseillère scientifique de cette ambassade.

[3] Les soixante-dix personnes présentes le 8 décembre 2010 peuvent être répartie en quatre catégories:
- les représentations nationales. La France constituait la représentation la plus large avec 9 agents de l'ambassade de France et 5 représentants d'organismes de recherche (INSERM, CNRS et INCA). On dénombrait ensuite quatorze pays européens représentés: l'Autriche, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, l'Espagne, l'Italie, la Belgique, la Suisse, la Hongrie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, l'Irlande, l'Allemagne et la Pologne ; et dix ambassades non européennes : le Japon, le Vietnam, le Canada, l'Israël, l'Egypte, le Pakistan, le Sultanat de Bahreïn, le Brésil, Singapour et l'Australie.
- des invités du gouvernement fédéral américain avec deux agents de la NSF, trois du département d'Etat et trois membres du bureau pour la politique scientifique et technologique (OSTP).
- la représentation d'organismes scientifiques/académiques/diplomatiques américains: l'IRIS, la Kilpatrick Stockton LLP, l'American Chemical Society, le RTI, l'APLU et le Diplomacy Matters Institute.
- des conseillers scientifiques de l'UE et de la Banque Mondiale.

- [4] National Security Strategy, http://redirectix.bulletins-electroniques.com/wh619

- Décembre 2010, John Holdren, Ambassade de France, Washington, http://france-science.org/spip.php?article1292.

Rédacteurs:
Johan Delory, universities.vi@ambafrance-us.org ; Annick Suzor-Weiner, conseiller@ambascience-usa.org

BE Etats-Unis numéro 229 (17/12/2010) - Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT - http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65404.htm

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